L'homme et la femme sont égaux.
Mais différents.
Pendant des millions d'années, qui aurait eu l'idée de remettre en cause l'idée que les hommes et les femmes étaient différents? Depuis l'époque où l'homme partait à la chasse pour en rapporter le repas familial, et la Femme restait dans la grotte pour veiller sur le feu et les enfants, ça allait tellement de soi que personne n'aurait pris la peine ni de le nier, ... ni de le soutenir.
Et puis la révolution féministe est passée par là. Et a tout balayé, jusqu'aux plus indiscutables évidences. A force de répéter que les hommes et les femmes étaient égaux, certains ont fini par entendre qu'ils étaient pareils. Et tout le monde a fini par admettre cette parité comme une nouvelle vérité.
Il est alors devenu politiquement correct de considérer les hommes et les femmes semblables en tout point. Oser attirer l'attention sur une disparité, meme minime, c'était immanquablement se faire traiter, au choix, de rétrograde, de phallocrate ou de misogyne. Parfois meme les trois à la fois. Meme quand vous étiez vous-meme une femme.
Cette époque a marqué le début de la Grande Confusion.
Confusion des roles: une fois les archétypes brisés, à quel modèle se référer? Comment se trouver? S'y retrouver? C'est quoi, un homme? C'est quoi, une femme? D'accord, maintenant, un homme, ça a le droit de pleurer, mais ça m'avance à quoi, à part à avoir les yeux qui piquent? D'accord, les femmes, ça a le droit de conduire un camion. Mais j'en fais quoi, moi, d'un camion, dans ma rue, où j'ai déjà du mal à garer ma Mini...
Et surtout, confusion des sentiments: si les hommes et les femmes sont pareils, ils attendent forcément les memes choses de la vie en général, de l'amour et du couple en particulier. Alors pourquoi elle fait la gueule quand j'ai besoin de m'isoler? Et pourquoi il se fout de la mienne quand je lui demande de me le dire, qu'il m'aime? Pourquoi elle devient folle quand je lui assure que cette nuit, je n'ai pas entendu le bébé pleurer? Et pourquoi il me regarde comme si j'étais limite demeurée parce que je suis incapable de retrouver mon chemin sur une carte?
Bilan: la confusion. Générale.
Longtemps, on a reproché aux hommes et aux femmes de ne pas se parler. On leur conseillait vivement de "communiquer". Là, ils se parlent. Mais ils ne se comprennent pas. Pire, ils ne s'entendent pas. Jusqu'au conflit. Au bureau. A la maison. Avec un collègue. Un ami. Ou son mari.
Pas étonnant: en réalité, on se parle, mais on ne parle pas la meme langue. Sans le savoir. Car à force de croire qu'on est pareils, on pense qu'on pense pareil.
Voilà pourquoi, à la toute fin du siècle dernier (le 20eme...), certains observateurs bien intentionnés ont eu la bonne idée de se ressaisir et de tout remettre à plat. Ils ont alors pu réaffirmer avec force ce que nous avons toujours su avec évidence: les hommes et les femmes sont différents. Seulement là, il ne suffisait plus de le dire. Il fallait le démontrer. Preuve à l'appui. Avec, en main, observations cliniques sur des milliers de sujets, comptes rendus d'explorations indiscrètes dans les laboratoires aux vitres sans tain truffés de caméras, scanners, analyses sanguines, bilans hormonaux, IRM, et autres examens médicaux.
Bien sur, il ne s'agissait pas de prouver qu'anatomiquement, nous étions différents: on a beau etre aveuglés par vingt-cinq ans de conditionnement, il nous reste un minimum de bon sens et de lucidité. Mais que psychologiquement, compte tenu de notre configuration cérébrale et de nos sécrétions hormonales, nous n'avons rien en commun.
Le résultat est là: les hommes et les femmes sont différents. Ni pires. Ni meilleurs. Juste différents. Et parfaitement égaux par ailleurs, si vraiment on souhaite se placer sur ce plan.
On n'a pas l'impression d'avoir beaucoup avancé en disant cela, et pourtant !
Accepter l'idée que l'autre est différent, c'est accepter qu'il ne pense pas comme nous. Qu'il n'attend pas la meme chose que nous. Mais aussi qu'il ne peut pas nous donner ce qu'on attend ; puisqu'il ne sait pas qu'on l'attend ; et qu'on n'a pas pensé à le demander. C'est admettre qu'il ne nous fait pas mal juste parce qu'il est indifférent, ou maladroit, ou méchant, mais parce qu'il ne sait pas que là, pour nous, aie, c'est pas supportable. C'est considérer que si, parfois, il se comporte à nos yeux comme un extraterrestre, c'est bien parce qu'il vient d'une autre planète, et pas parce qu'il cherche à nous faire honte devant nos meilleurs amis.
Si, chez vous, au beau milieu d'un diner, un invité se met à roter bruyamment, une onde de mépris va vous submerger. Et gagner tous les convives. Parfois meme jusqu'à l'agressivité. Normal.
Maintenant, si vous savez que cet invité est marocain. Et que, dans son pays, roter, quand on est bien éduqué, c'est une marque indispensable de politesse et de courtoisie, c'est faire savoir à la maitresse de maison qu'on a bien mangé, en qualité et en quantité, là, vous n'allez pas lui en vouloir une seconde. Parce que, puisqu'il n'est pas comme vous, qu'il est fait comme ça, que c'est sa nature, donc son droit, bref, qu'il a toutes les raisons d'etre comme il est, vous allez vous montrer compréhensif et indulgent. Et lui sourire gentiment.
Et si vous vous montriez aussi compréhensif et indulgent avec ceux qui partagent votre vie quotidienne?
Car admettre que l'autre est différent, c'est déjà s'efforcer le le comprendre. C'est apprendre à pardonner. A passer l'éponge. A effacer l'ardoise, dans un premier temps, pour remettre les compteurs à zéro. Ensuite, on s'exerce. On se retient de conclure trop vite qu'on a en face de soi un idiot, un paresseux, ou une inadaptée. On s'entraine à mieux savoir comment l'autre fonctionne. On s'attache à découvrir les origines de ses différences. Et on peut meme se surprendre à y prendre gout. A les apprécier. A ne plus pouvoir s'en passer. Un jour, on s'efforce de désamorcer les conflits avant qu'ils ne s'enclenchent. Le lendemain, on critique moins. On complimente plus. Bref, peu à peu, on apprend à vivre mieux avec les autres. Ce qui est infiniment agréable. On essaie?